don't look back in anger. (gary)

Guidée par les regrets, par la culpabilité qui la pèse depuis bien trop de temps... Ses pas la mènent jusque chez lui. Elle aurait dû s'en douter, que Gary s'en irait pour sa ville natale. Il n'était pas de Dublin, lui. Qu'avait-il à y faire, sans elle ? Avec leurs souvenirs ? Les fantômes d'une histoire réduite à néant, par pur égoïsme de la part de la blonde. Plutôt que d'en parler, plutôt que de chercher à résoudre leurs problèmes, elle a pris la fuite. Au bras d'un homme. Double trahison qu'elle ne se pardonnera jamais, elle qui essaie de grandir. Qui est prête à tout pour se faire pardonner de lui. Parce qu'il compte toujours, qu'elle n'a rien oublié de lui. Comment le pourrait-elle ? Malgré ce qu'il doit penser d'elle aujourd'hui, elle ne peut pas faire autrement. Elle se souvient de beaucoup de choses, et en même temps, c'est comme si le souvenir de sa voix ne lui revenait pas. Quoi qu'elle fasse, ce son pourtant si singulier semble ne plus faire partie de sa mémoire. Maintenant, elle se trouve devant sa porte, à ne pas savoir quoi faire. L'histoire de sa vie. Céder à la lâcheté, ou pas ? S'en aller une fois de plus ? Elle ne le peut pas. Pas alors qu'elle était si déterminée à revenir vers lui, vers sa fille dont le visage n'aura plus rien de celui d'un bébé. Sûrement qu'elle ne l'a pas aimée assez, qu'elle est bien indigne d'être mère, Siobhan. Et pourtant, elle ne supporterait pas qu'une autre prenne sa place auprès d'Alma. Elle l'a portée, neuf mois. Neuf mois dont elle a subi les conséquences. Tout ce qu'elle a sacrifié... Pour un homme qui n'a pas hésité à la laisser tomber, malgré tout. Dire qu'elle croyait l'aimer, la blonde. Dans son désespoir, elle a tout mélangé, mais aussi tout gâché. Et là, elle frappe. Quelques petits coups, doucement. Elle attend. Le temps semble s'étirer un peu plus à chaque seconde qui passe. Elle regarde derrière elle, un peu... Avant de se concentrer de nouveau sur la porte, qui s'ouvre à ce moment-là. Mécaniquement, elle glisse son pied dans l'encadrement, pour qu'il ne la lui ferme pas au nez. Elle est submergée, Siobhan, sans pourtant le laisser paraître. Elle ne sait pas quoi faire. Si elle doit parler, ou pas. Pleurer, ce serait jouer le rôle de la victime alors qu'elle sait pertinemment que c'est elle, qui a fait n'importe quoi. Elle le regarde, la blonde, c'est tout ce qu'elle fait.

Son rire éclatait à travers la pièce et Gary ne put s’empêcher d’avoir un sourire jusqu’aux oreilles. Il ne pourrait jamais assez exprimer sa gratitude envers la vie d’avoir un enfant comme Alma. Malgré les épreuves que la vie lui avait infligées, l’abandon de sa mère, elle était calme, elle était joyeuse. En tout cas, il se donnait corps et âme pour qu’elle soit la plus heureuse possible, même sans Siobhan à leurs côtés. Longtemps, il avait rêvé d’une vie à trois, peut-être même à quatre aujourd’hui. Longtemps, il s’était imaginé construire un doux foyer à Dublin, dans leur maison, cliché des instants de bonheur qu’il avait tant rêvé avant d’avoir un enfant. Des instants de bonheur qu’ils vivaient différemment aujourd’hui, lui et Alma. Ils étaient passés par tant de moments de tristesse que Gary ne voulait plus revivre. Il s’était reconstruit petit à petit, essayant de refermer la blessure encore vive laissée par la trahison de Siobhan. Il l’avait aimé, plus que tout au monde, plus qu’il n’avait jamais aimé personne. Mais elle l’avait abandonné, lâchement, sauvagement, sans un mot, juste quelques papiers posés sur une table. Les rires d’Alma furent interrompus par le bruit de quelqu’un frappant doucement à la porte. Il n’attendait personne, mais les visites imprévues, notamment de sa plus jeune sœur, étaient assez fréquentes. Il ouvrit la porte et son cœur rata un bond. Elle était là, devant lui, deux ans et demi après avoir tout quitté pour s’échapper avec son meilleur ami. Rien en elle, physiquement, n’avait changé. Elle était toujours cette magnifique femme blonde au regard envoutant, celle dont il était tombé amoureux presque instantanément neuf années plus tôt. Le silence s’installa, un silence pesant et presque douloureux. Il avait longtemps pensé à ce moment, à des retrouvailles, une rencontre par hasard. Mais jamais il n’aurait pensé qu’elle se retrouverait un jour devant sa porte. Il savait bien qu’il était très simple aujourd’hui de savoir où étaient les gens et que son retour à Dùchann avait dû arriver à ses oreilles. Gary brisa le silence le premier, après quelques secondes, presque interminables. – Qu’est-ce que tu fais là ? Son ton était grave, assez dur. Même si il avait réussi à faire son deuil de leur amour, de sa trahison, la colère était toujours là. Il n’était pas des plus rancuniers, mais il ne parvenait pas à pardonner un tel acte. Il jeta un coup d’œil en direction d’Alma, essayant du mieux qu’il pouvait de cacher Siobhan dans l’encadrement de la porte. Il n’avait pas vraiment pensé à lui, mais plutôt au choc que cela ferait à sa fille. Elle avait grandi sans elle durant des mois et à ce moment même, pour lui, ce n’était pas près de changer.

Siobhan, elle était bouffée par les regrets depuis qu'on lui avait donné cette claque magistrale. Ce retour de karma qui l'a sérieusement secouée, où, l'homme pour qui elle avait tout quitté, est parmi le premier. Finie la passion. Finis les départs sur un coup de tête. Elle l'a mal vécu, la blonde, tout en se disant qu'elle l'avait sûrement bien mérité. Elle est rentrée chez elle, à Dublin, quittant Londres et tous les souvenirs communs avec Cian. Il lui en avait fallu, de la détermination, pour venir jusque dans la ville d'origine de Gary. Par des amis communs, elle avait appris qu'il s'y était installé, pas si longtemps après son départ, comme si lui aussi avait voulu repartir de zéro. Sa faute à elle, ni plus ni moins. Elle frappe à la porte, bien qu'hésitant à faire demi-tour pour ne pas le confronter tout de suite. La lâcheté qui est toujours là. Et c'est sûrement pour cette raison qu'elle n'a fait que laisser les papiers du divorce. Si elle lui avait dit, elle aurait changé d'avis. Si elle avait croisé le regard d'Alma, elle n'aurait pas pu partir non plus. Quand finalement, il lui ouvre, Siobhan ne bronche pas. Elle ne dit absolument rien, ne sachant même pas quels mots seraient assez forts pour qu'elle s'excuse auprès de lui, pour sa lâcheté, comme pour tout ce qu'elle a manqué dans l'évolution de leur fille. Il brise le silence, lui demandant ce qu'elle fait là. Là sur le pas de sa porte. « On m'a dit que t'étais là... » souffle-t-elle. Des amis communs. Peut-être qu'ils auraient dû garder ça pour eux, pour préserver Gary, et Alma, de ce retour dont aucun d'eux n'avait besoin. Face à lui, elle meurt d'envie de voir sa fille. Parce qu'elle ne sait même plus comment elle est, qu'en grandissant elle n'est certainement plus le bébé qu'elle était. Elle sait que pour elle, elle n'est qu'une femme parmi tant d'autres. Qu'elle n'est plus sa mère et que Gary a joué les deux rôles pendant tout ce temps. Ça a dû lui demander beaucoup de sacrifices, qu'à l'évidence, elle n'était pas prête à faire pour une famille. Déjà trop paumée pour s'occuper convenablement d'elle-même. « Tu vas bien ? Alma ? » qu'elle demande, effrayée à l'idée qu'il ait refait sa vie. Qu'une autre femme ait pris sa place auprès d'Alma. Elle l'aurait mérité, c'est vrai, mais elle pense au mal que ça lui ferait. Elle et son éternel égoïsme, celui dont elle ne parvient pas à se débarrasser. Pourtant, elle veut se rattraper, Siobhan. Elle est prête à tout, sauf à disparaître de nouveau. Peut-être que cette claque lui a fait du bien, après tout.

Il s’attendait à tout sauf à ça. Voir Siobhan devant chez lui, à Dùchann qui plus est, relevait de l’impossible. Pendant des semaines et des semaines, des mois même, il avait souhaité que ce jour arrive. Pour lui, pour Alma. Il avait longuement imaginé leurs retrouvailles, même si il savait qu’elles ne seraient pas des plus tendres. Au fond, il y a encore quelques temps, Gary se serait presque senti capable de lui pardonner, de faire des efforts pour retrouver la flamme avec celle qu’il considérait comme la femme de sa vie. Mais le temps avait repris son cours et ses réflexions l’avaient mené à une conclusion, il ne pourrait jamais recoller les morceaux avec Siobhan. Elle avait été trop loin dans la trahison et c’était trop tard à présent. Il voulait penser avant tout à lui maintenant et arrêter de se plier en quatre pour des gens capables de lui planter un tel couteau dans le dos. Et par-dessus tout, il voulait penser à Alma. Il ne voulait pas qu’elle puisse connaître une mère tant égoïste. Il l’était peut-être à sa manière aussi, mais Gary avait trop peur qu’elle parte à nouveau et que sa fille en souffre une deuxième fois. Elle avait grandi des mois et des mois sans sa mère et ce n’est pas maintenant qu’elle la verrait. – Les nouvelles vont vite apparemment. C’est Cian qui te l’a dit entre deux parties de jambes en l’air ? Il n’était pas quelqu’un de foncièrement méchant, mais lorsqu’il était blessé, Gary pouvait être extrêmement cynique et blessant. Il voulait lui faire mal, autant de mal qu’elle lui avait fait en se barrant à Londres avec son meilleur ami. Il jeta un autre coup d’œil en direction d’Alma, qui jouait tranquillement sur le canapé. La conversation devait s’écourter au plus vite. – T’en avais rien à foutre de ça quand tu nous as abandonné, je ne vois pas en quoi ça t’intéresse aujourd’hui de savoir si on va bien. Il hésitait entre lui claquer la porte au nez ou lui balancer toutes les insultes de son vocabulaire. Il sentait la pression monter en lui et ses doigts se serrèrent un peu plus fort sur la poignée de la porte. Il pensait enfin en avoir fini avec cette histoire et voilà que l’univers remettait Siobhan sur son chemin.